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Prévention clinique

L'autophagie démystifée

L'autophagie est un buzzword tendance utilisé à toutes les sauces. On survole ce processus fascinant.

par

Julien Martel

1 mars 2024

11

min

‘’Autophagie’’ est un mot souvent utilisé à gauche et à droite dans des phrases clés qui comprennent souvent d’autres termes à la mode come mTOR et jeûne intermittent. À part avoir l’air cool sur un post instagram, ça nous en dit bien peu sur ce processus hyper intéressant et complexe. Aujourd’hui, on démystifie l’autophagie avec ce survol du sujet.


Qu’est ce que l’autophagie?


L'autophagie, mécanisme est vital pour la santé cellulaire, l'adaptation au stress et la survie, provient du grec ‘’soi’’ et ‘’manger’’. C’est un système majeur de dégradation intracellulaire qui tire ses capacités dégradatives du lysosome. La forme d'autophagie la plus étudiée est la macroautophagie, qui livre le matériel cytoplasmique aux lysosomes via l'autophagosome. D'autres formes d'autophagie, à savoir l'autophagie médiée par chaperon (AMC) et la microautophagie, se produisent directement sur le lysosome.


Fig 1. Les mécanismes principaux de l’autophagie. a- La macro-autophagie: Induite lorsque mTORC1 est inactivée une fois dissociée du lysosome. b- L’autophagie médiée par chaperon: Certaines protéines indésirables à l'intérieur des cellules sont directement livrées à une partie de la cellule appelée le lysosome pour être décomposées et recyclées. Ce processus est très sélectif, ciblant uniquement les protéines qui ont un marqueur spécifique. c- L'RN/DN-autophagie est la livraison directe d'acides nucléiques dans les lysosomes via le transporteur d'acides nucléiques, SIDT2. d- La micro-autophagie est un processus où les déchets à l'intérieur de la cellule sont emballés et absorbés par le lysosome.


Tirée de cette revue franchement intéressante


Pour avoir une idée de ce que je parle, je glisse ici un schéma d’une cellule, pour voir les grandes structures et organelles.

Fig 2. Schéma d’une cellule, tiré de ce lien.


Les rôles généraux de l’autophagie


Recyclage et acquisition de nutriments : Lorsque que nous sommes en état nutritionnel déficitaire, et nous devons conserver des ressources, l'autophagie décompose des parties non essentielles des cellules pour réutiliser leurs blocs de construction ou pour fournir de l'énergie.


Contrôle de qualité : L'autophagie aide à se débarrasser des composants cellulaires défectueux ou endommagés, comme les organites ou les protéines mal repliées, qui pourraient autrement nuire à la cellule s'ils s'accumulaient.


Régulation et adaptation : L'autophagie s'ajuste aux besoins de la cellule, augmentant ou diminuant son activité en fonction de facteurs tels que les niveaux de nutriments.


Défense : L'autophagie peut protéger contre les infections en capturant et en détruisant les bactéries et les virus nuisibles à l'intérieur de la cellule.


Changements cellulaires : Durant l'autophagie, les lysosomes changent de plusieurs manières : ils deviennent plus acides, leurs enzymes deviennent plus actives, et ils se déplacent plus près du noyau de la cellule.


Voyons maintenant quelques applications de l’autophagie dans notre organisme.


Le rôle de l'autophagie dans le cancer

Elle joue un rôle complexe dans le cancer, fonctionnant à la fois comme un suppresseur de tumeur et un promoteur de tumeur selon le contexte. Donc, non, l’autophagie est pas toujours une bonne chose!


Suppression de tumeur

L'autophagie contribue à la santé des tissus en éliminant les protéines endommagées et les organites, empêchant ainsi l'accumulation de débris cellulaires qui peuvent conduire à l'instabilité génomique et à la tumorigenèse. Dans cette capacité, l'autophagie agit comme un suppresseur de tumeur, maintenant l'intégrité cellulaire et supprimant l'initiation du cancer.


Promotion et survie de la tumeur

Inversement, l'autophagie peut également promouvoir la survie de la tumeur. Les cellules cancéreuses, comme toutes les cellules, peuvent utiliser l'autophagie comme une voie de survie pour soutenir le métabolisme et tolérer le stress. Par exemple, l'activation d'oncogènes puissants régule à la hausse l'autophagie basale, qui est nécessaire pour la survie des cellules tumorales sous stress et pendant la tumorigenèse. Dans les cellules exprimant la protéine RAS, une autophagie défectueuse conduit à l'accumulation de mitochondries anormales et à une réduction de la production d'énergie. Par conséquent, l'autophagie est requise pour maintenir un pool de mitochondries fonctionnelles nécessaire pour soutenir la croissance et la survie des tumeurs entraînées par RAS. Certains cancers agressifs présentent ce qui est appelé la "dépendance à l'autophagie" en raison de leur dépendance à l'autophagie pour la survie, surtout sous stress métabolique. Cette dépendance suggère que cibler l'autophagie (pour ces cas précis, l’abolir) et le métabolisme mitochondrial pourrait être de nouvelles approches pour traiter ces cancers agressifs. 


L'autophagie dans les maladies inflammatoires et auto-immunes

Elle joue un rôle significatif dans le maintien de l'homéostasie cellulaire. Son implication dans les maladies inflammatoires et auto-immunes est complexe, influençant à la fois la progression et la résolution de la maladie.


Autophagie et maladies inflammatoires

L'autophagie module l'inflammation à travers divers mécanismes, incluant la régulation de l'inflammasome NLRP3, un composant clé dans la réponse inflammatoire. Pour les intéressé.es, l'inflammasome NLRP3 active la caspase-1, conduisant à la maturation et à la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires comme IL-1β et IL-18. Il a été démontré que l’autophagie régule l'inflammasome NLRP3 dans plusieurs maladies inflammatoires du système nerveux, telles que la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, et l'ischémie/réperfusion cérébrale. Cette régulation suggère que l'autophagie peut soit supprimer soit promouvoir l'inflammation selon le contexte, soulignant son rôle double dans les processus inflammatoires.


Autophagie dans les maladies auto-immunes

Dans les maladies auto-immunes, l'autophagie contribue au développement et à la suppression de l'auto-immunité. Par exemple, l'autophagie est impliquée dans la présentation des autoantigènes et la survie des cellules immunes autoreactives. Elle peut influencer la fonction des cellules T CD4+, qui sont cruciales dans l'orchestration des réponses immunitaires adaptatives dans les maladies inflammatoires chroniques telles que l'asthme, la maladie de Crohn, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques et le lupus érythémateux systémique. Le rôle de l'autophagie dans le métabolisme, la survie, le développement, la prolifération, la différenciation et le vieillissement des cellules T CD4+ souligne son importance dans la pathogenèse et le traitement potentiel des maladies auto-immunes.

Fig 3. Dysfonctionnement de l'autophagie dans la néphrite lupique. La macrophagie élimine le piège extracellulaire des neutrophiles (NET - Neutrophil Extracellular Trap) par l'autophagie. Une carence en autophagie dans la macrophagie conduit à l'exposition de l'ADN des NET, ce qui active l'immunité adaptative et produit des anticorps anti-ADNdb. Le dysfonctionnement de l'autophagie dans les podocytes ne parvient pas à éliminer les autoanticorps, qui se lient ensuite aux fractions d'ADN des NETs, formant des complexes immuns. Ces complexes immuns endommageront les reins et causeront une néphrite dans le lupus. Tiré de cet article


Maintenant que vous connaissez un peu plus le concept d’autophagie, on comprend donc que c’est un processus dynamique et parfois délétère. Par contre, dans un contexte normal, où on n’a pas de dysfonction autophagique, il est souhaitable de promouvoir ces mécanismes. À quelle fréquence? Pour quelle durée? C’est pas clair. Voyons voir alors ce qui favorise l’autophagie.



Déclencheurs de l'autophagie


Privation de nutriments, déficit calorique

  • Les cellules initient l'autophagie en réponse à un manque de nutriments ou à la famine, l'utilisant comme un mécanisme de survie pour recycler les composants internes et générer des précurseurs métaboliques essentiels et de l'énergie.

  • Inactivation du complexe mTORC1 : Ce processus implique l'inactivation du complexe mTORC1, une kinase sensible aux nutriments critique, qui se dissocie des lysosomes et induit l'autophagie.


Stress Cellulaire et Dommages

  • Conditions de stress : Diverses formes de stress, y compris le stress oxydatif, l'hypoxie et le stress du réticulum endoplasmique (RE), peuvent déclencher l'autophagie. Cela aide à atténuer les dommages en dégradant et recyclant les composants nocifs, protégeant la cellule contre l'apoptose ou la nécrose.


Infection par des Pathogènes

  • Xénophagie : L'autophagie joue un rôle dans la défense cellulaire contre les pathogènes en éliminant les pathogènes intracellulaires par un processus connu sous le nom de xénophagie, aidant à contrôler les infections bactériennes et virales.


Signalisation Hormonale et des Facteurs de Croissance

  • Modulation par les hormones : Les changements hormonaux et la signalisation des facteurs de croissance peuvent supprimer ou induire l'autophagie, avec l'insuline et d'autres facteurs de croissance activant des voies qui suppriment l'autophagie dans des conditions riches en nutriments.


Facteurs Génétiques et Épigénétiques

Mutations et modifications : Les changements dans les gènes liés à l'autophagie peuvent déclencher ou moduler l'autophagie, contribuant au développement de maladies.


Autophagie Induite par l'exercice

Contrairement à la privation systémique de nutriments observée lors du jeûne, l'exercice localise principalement l'induction de l'autophagie aux muscles actifs et aux tissus associés. Par conséquent, alors que le jeûne semble avoir un effet généralisé, l'autophagie induite par l'exercice peut être perçue comme une réponse localisée et ciblée aux demandes cellulaires spécifiques. Voici quelques mécanismes en cause.


Stress énergétique et activation de l'AMPK

La déplétion d'ATP et l'augmentation des niveaux d'AMP pendant l'exercice activent l'AMPK, conduisant à l'inhibition de mTORC1 et à l'initiation de l'autophagie.

Fig 4. Effets de l’exercice physique sur autophagie. Tiré de cet article 


Espèces Réactives de l'Oxygène (ROS)

La production accrue de ROS pendant l'exercice peut induire l'autophagie en modifiant les protéines et lipides liés à l'autophagie.


Signalisation calcique et hormones induites par l'exercice

Les modifications des niveaux de calcium intracellulaire et la libération d'hormones et de myokines pendant l'exercice peuvent déclencher l'autophagie.


Rôle dans la santé globale

En somme, les mécanismes normaux d’autophagie sont utiles dans le maintien d’une santé cellulaire et global. En éliminant les composants endommagés, l'autophagie contribue à l'intégrité cellulaire et prévient les maladies liées aux dommages et dysfonctionnements cellulaires tels les cancers, maladies auto-immunes et troubles neurodégénératifs. Elle aide les cellules à s'adapter au stress environnemental, préservant la fonction cellulaire dans des conditions adverses.


L'autophagie est un processus régulé de manière dynamique, et non un processus qui est soit actif ou non. L'exercice agit comme un inducteur naturel de l'autophagie, offrant des avantages pour la santé au-delà de ceux directement associés à la forme physique. En physiologie normale, l'autophagie est inhibée par des conditions riches en nutriments et certaines voies de signalisation pour équilibrer la croissance et la maintenance cellulaires. 


Promouvoir l'autophagie par des choix de mode de vie comme l'exercice régulier ou par des interventions diététiques telles que la restriction calorique ou le jeûne peut soutenir la santé et la longévité en améliorant la maintenance cellulaire et l'adaptation au stress. Le surplus calorique constant et l’obésité qui en découle est un facteur de risque bien connu du cancer, et l’inhibition de l’autophagie dans cette condition peut aussi être en cause.


Pour les adeptes du jeûne, la science actuelle ne nous permet pas de savoir exactement quelle est la dose minimale efficace pour diminuer le risque de cancers (s’il en existe une) et il n’est pas clair non plus si l’autophagie via la restriction calorique versus celle induite par l’exercice physique confère un avantage. On sait par contre qu’une bonne composition corporelle et que l’exercice physique régulier réduisent considérablement le risque global de mortalité toutes causes.


A+


Julien


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