Santé sexuelle et hormonale
La physiologie des glandes surrénales
Le cortisol est très populaire et souvent classifié comme un ennemi. Revoyons son rôle important.
par
Julien Martel
25 avril 2024
15
min
Les glandes surrénales, composantes vitales du système endocrinien, sont stratégiquement positionnées au-dessus de chaque rein. Elles se divisent en deux structures principales : le cortex surrénalien externe et la médulla surrénalienne interne, chacune étant chargée de la synthèse de différentes catégories d'hormones avec des rôles physiologiques distincts.
Anatomie et Fonction Hormonale du Cortex Surrénalien
Le cortex surrénalien est subdivisé en trois zones distinctes : la zone glomérulée, la zone fasciculée, et la zone réticulée.
Image tirée de cette étude
Chaque zone est spécialisée dans la production de types spécifiques d'hormones stéroïdiennes.
La zone glomérulée produit principalement des minéralocorticoïdes, tels que l'aldostérone, qui régulent l'équilibre hydrique et électrolytique, essentiels pour le maintien de la pression artérielle. La zone fasciculée se consacre à la synthèse des glucocorticoïdes, comme le cortisol, qui sont cruciaux pour la régulation du métabolisme des glucides, lipides, et protéines, ainsi que pour la modération des réponses inflammatoires et immunosuppressives. Enfin, la zone réticulée est responsable de la production des androgènes surrénaliens (Androstènedione, DHEA and DHEAS), qui influencent les caractères sexuels secondaires et la libido.
Rôle de la Médulla Surrénalienne dans la Réponse au Stress
La médulla surrénalienne joue un rôle central dans la réponse immédiate au stress par la sécrétion de catécholamines, incluant l'adrénaline et la noradrénaline. Ces hormones augmentent la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la libération de glucose, facilitant ainsi une réaction rapide de « fight or flight » face à des stimuli stressants.
Axe Hypothalamo-Hypophyso-Surrénalien (HHS) et Régulation de la Réponse au Stress
Les glandes surrénales sont des acteurs clés de l'axe HHS, qui orchestre la réponse au stress.
Image tirée de cette étude
L'hypothalamus sécrète la corticotropin-releasing hormone (CRH), qui stimule l'hypophyse à libérer l'hormone adréno-corticotrope (ACTH).
L'ACTH, à son tour, incite le cortex surrénalien à augmenter la production de cortisol, préparant ainsi le corps à gérer le stress par la mobilisation de ressources énergétiques et la modulation de diverses fonctions métaboliques.
Mécanismes Moléculaires de l'Action du Cortisol
Le cortisol exerce ses effets en traversant les membranes cellulaires et en se liant aux récepteurs glucocorticoïdes intracellulaires (GR).
Le complexe cortisol-GR migre dans le noyau cellulaire où il agit comme facteur de transcription, modulant l'expression de gènes cibles qui régulent des processus métaboliques et immunitaires. Ces interactions peuvent être soit activatrices soit répressives, dépendant des séquences régulatrices présentes sur l'ADN cible.
Métabolisme du Cortisol
La relation entre le cortisol et la cortisone via l'interconversion catalysée par les enzymes 11β-hydroxystéroïde déshydrogénases (11β-HSD) est un élément fondamental de la régulation hormonale glucocorticoïde.
Ces enzymes jouent un rôle crucial dans la détermination de la disponibilité locale du cortisol actif dans les tissus. Les implications cliniques de ces processus sont significatives, en particulier dans le contexte de diverses maladies métaboliques et endocriniennes.
Interconversion du Cortisol et de la Cortisone
Les enzymes 11β-HSD existent en deux isoformes:
11β-HSD1: Convertit la cortisone (inactive) en cortisol (active). Elle agit principalement comme une réductase et est exprimée dans plusieurs tissus, notamment le foie et les tissus adipeux.
11β-HSD2: Convertit le cortisol en cortisone, agissant comme une déshydrogénase. Cette enzyme est surtout présente dans les reins, où elle protège les récepteurs minéralocorticoïdes de l’action du cortisol, permettant à l'aldostérone de réguler efficacement l'équilibre sodium-potassium sans interférence.
Formation des Métabolites
Le cortisol peut être métabolisé en plusieurs formes réduites qui sont mesurables dans la salive et les urines:
Tetrahydrocortisol (THF): Métabolite majeur du cortisol, formé via la réduction de la double liaison du cortisol.
5α-tetrahydrocortisol (5α-THF) : Une autre forme de THF, résultant d'une réduction similaire mais dans une voie métabolique légèrement différente.
Tetrahydrocortisone (THE): Métabolite de la cortisone, également formé par réduction.
La mesure des ratios de (5α-THF + THF) / THE dans les urines peut être utilisée pour évaluer l'activité de 11β-HSD2. Un ratio élevé indique généralement une activité réduite de 11β-HSD2, signalant une conversion inefficace du cortisol en cortisone.
Implications Cliniques de l'Activité Réduite de 11β-HSD2
Lorsque l'activité de 11β-HSD2 est réduite, le cortisol n'est pas efficacement converti en cortisone, résultant en une concentration plus élevée de cortisol disponible. Cette situation peut conduire à plusieurs implications cliniques.
Cela inclut l'hypertension et des perturbations électrolytiques, notamment par l'activation inappropriée des récepteurs minéralocorticoïdes destinés à l'aldostérone, entraînant une rétention excessive de sodium et une perte de potassium.
Ce dysfonctionnement peut mimer les symptômes de l'hyperaldostéronisme, caractérisés par une hypertension sévère et une hypokaliémie. De plus, une exposition prolongée à des niveaux élevés de cortisol peut conduire à une résistance à l'insuline et augmenter le risque de diabète de type 2, ainsi qu'affecter négativement la croissance et le développement chez les enfants.
Ces implications cliniques mettent en évidence l'importance d'une régulation précise du cortisol pour la santé cardiovasculaire et métabolique.
Image tirée de cette étude
Utilisation de l’énergie
Le cortisol joue un rôle essentiel dans la régulation de la disponibilité énergétique dans l'organisme, particulièrement en périodes de stress. Ce glucocorticoïde synthétisé par le cortex surrénalien influence le métabolisme des glucides, des lipides et des protéines, orchestrant ainsi une réponse métabolique coordonnée pour optimiser l'apport énergétique selon les besoins du corps. Voici un examen détaillé de ces processus :
Métabolisme des Glucides et Régulation de l'Utilisation du Glucose
Le cortisol stimule la gluconéogenèse, le processus par lequel le glucose est synthétisé à partir de précurseurs non glucidiques tels que les acides aminés et le glycérol. Cette voie métabolique est principalement active dans le foie, mais aussi dans une moindre mesure dans le cortex rénal. En augmentant la production hépatique de glucose, le cortisol assure une source d'énergie disponible pour les tissus vitaux, comme le cerveau et les muscles, surtout lorsque les niveaux de glucose sanguin commencent à baisser après des périodes prolongées sans apport alimentaire ou durant un effort physique intense.
Exemple de changements liés par une élévation chronique et importante du cortisol dans un syndrome de Cushing, induisant un diabète. Tiré de cette étude
Parallèlement à la promotion de la gluconéogenèse et de la lipolyse, le cortisol exerce un effet anti-insulinique, en réduisant la sensibilité des tissus périphériques à l'insuline. Ce mécanisme prévient la captation excessive de glucose par les muscles et le tissu adipeux, permettant ainsi au glucose de rester disponible pour des organes cruciaux comme le cerveau. En inhibant également l'activité de la phosphofructokinase (une enzyme clé de la glycolyse) dans les tissus périphériques, le cortisol réduit l'utilisation du glucose pour la production d'énergie dans ces sites, économisant ainsi le glucose pour des fonctions plus essentielles.
Métabolisme des Protéines
Le cortisol augmente la catabolisme des protéines, particulièrement dans les muscles squelettiques, les os, et les tissus lymphoïdes. Il induit la dégradation des protéines en acides aminés, lesquels sont ensuite libérés dans la circulation sanguine. Ces acides aminés ne sont pas seulement utilisés pour la synthèse de nouvelles protéines, mais servent également de substrats pour la gluconéogenèse hépatique. Ce processus est vital durant le stress, car il aide à maintenir des niveaux adéquats de glucose sanguin pour soutenir les fonctions cérébrales et musculaires critiques.
Métabolisme des Lipides
Le cortisol favorise également la lipolyse, qui est la décomposition des triglycérides en acides gras libres et glycérol dans le tissu adipeux. Les acides gras libres ainsi libérés sont une source d'énergie importante, particulièrement lors de périodes prolongées de jeûne ou de stress, où ils peuvent être oxydés par les muscles et d'autres tissus pour produire de l'énergie. Le glycérol issu de la lipolyse peut également être utilisé dans la gluconéogenèse hépatique pour la production de glucose.
Il favorise la redistribution des graisses du corps périphérique (comme les membres) vers des dépôts plus centraux, notamment la région abdominale. Cette action peut entraîner une accumulation de graisse viscérale, qui est particulièrement associée à des risques accrus de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et d'autres troubles métaboliques. On la retrouve dans des états de stimulation prolongée du cortisol.
Effets d’une sécrétion aigue vs chronique
Il est crucial de différencier les impacts d’une sécrétion normale en réponse à un stress aigu d’une sécrétion chronique secondaire à un stress chronique. Des exemples de stresseurs chroniques peuvent être de toutes formes, en passant par une source psychologique ou physique ( surentraînement, sommeil insuffisant, maladies chroniques etc..)
Sécrétion Aiguë de Cortisol
La sécrétion aiguë de cortisol est une réponse immédiate et temporaire à un stress. Ce type de sécrétion est bénéfique et nécessaire pour la survie. En situation de stress aigu, le cortisol est libéré pour permettre au corps de gérer efficacement la situation. Il mobilise rapidement l'énergie en augmentant la gluconéogenèse et la lipolyse, assure la disponibilité de glucose pour le cerveau et les muscles, et augmente la pression artérielle pour soutenir l'activité cardiaque et la circulation sanguine.
En aigu, le cortisol exerce des effets anti-inflammatoires puissants en limitant la libération de substances pro-inflammatoires et en modulant l'activité du système immunitaire et en augmentant son efficacité à combattre les infections.
Sécrétion Chronique de Cortisol
Tandis que la réponse aiguë est vitale pour la gestion des situations de stress immédiat et possède des effets protecteurs, une exposition prolongée peut conduire à des effets nocifs et déstabiliser de nombreux systèmes physiologiques.
Une exposition prolongée au cortisol peut perturber le métabolisme normal. Cela inclut l'augmentation du risque de résistance à l'insuline, de diabète de type 2, et de syndrome métabolique due à l'augmentation des niveaux de glucose sanguin et à l'accumulation de graisse viscérale.
Alors que le cortisol aide à moduler l'inflammation à court terme, son excès chronique supprime l'immunité. Cela rend l'individu plus susceptible aux infections, peut retarder la cicatrisation des plaies, et altérer la capacité de l'organisme à combattre les agents pathogènes.
Des niveaux chroniquement élevés de cortisol sont associés à divers troubles de santé mentale, y compris la dépression, l'anxiété et des problèmes de mémoire. Le cortisol peut exercer un effet toxique sur l'hippocampe, une région du cerveau impliquée dans la formation de la mémoire et la régulation des émotions.
Questions cliniques et mythes
Est-il utile de vérifier mon taux de cortisol dans le sang
Comme vous le savez maintenant, le cortisol est une minime pièce du tableau global. Outre dans des cas bien précis réservés chez les gens critiquement malades en infection aigue ou chez qui on cherche à mettre en évidence une maladie de Cushing ou Addison, il est plutôt inutile de doser le cortisol dans le sang et pour plusieurs raisons.
Le cortisol est majoritairement transporté dans le sang lié à la corticosteroid-binding globulin (CBG), aussi connue sous le nom de transcortin, ainsi qu'à l'albumine. Seule une petite fraction (environ 10%) est libre et biologiquement active. Malheureusement la prise de sang ne regarde que la cortisol total (lié + libre).
Il y a une fluctuation importante du cortisol pendant 24h.
Fluctuation normale du cortisol durant une période de 24h. Notez l’élévation matinale normale et en résponse aux repas.
Dans de rares cas, doser ses métabolites (urines ou salive) pourrait avoir une certaine utilité clinique.
Est-il nécessaire de limiter les entraînements en hypertrophie à 1h afin d’optimiser le gain de masse musculaire?
L’idée derrière tout ça part d’un principe que le cortisol est une hormone catabolique, alors si on cherche à maximiser l’hypertrophie, on veut garder cette sécrétion à la baisse et certaines études démontrent que la sécrétion devient plus important après 1h d’entraînement.
Par contre, cette inquiétude est non fondée. Cette étude regardait spécifiquement cette question.
Il n’y a aucune corrélation entre les niveaux de testostérone libre, HGH, IGF-1, Cortisol post entraînement et l'adaptation en terme de force.
Les taux de cortisol élevés post entraînement sont associés à une meilleure hypertrophie. (Témoigne d'un entrainement plus intense et au net une meilleure hypertrophie malgré l'action ''catabolique'' du cortisol...)
L'élévation aigue du cortisol en réponse à l'entraînement ou un stress est normale et n'est pas délétère sous aucune forme pour le gain de masse musculaire ou la distribution de la déposition adipeuse corporelle.
Est-ce que le cortisol fait prendre du poids?
Par contre, le stress chronique (de toutes formes) et son hypercortisolémie chronique favorise les comportements qui vont pousser un individu à chercher de la nourriture riche et dense en calorie (''cravings'') en plus de changer le pattern de déposition des graisses. Ce qui fait prendre du poids est le surplus calorique après avoir mangé tous les Oreos de la boîte.
La sécrétion aigue de cortisol, au contraire tend à couper la faim.
Est-ce que le cortisol affaibli le système immunitaire?
Aucune corrélation avec les symptômes et les niveaux de cortisol. Les surrénales fonctionnent. Cette étude s'attaque à la démystification de la "fatigue surrénale" ou adrenal fatigue, une condition fréquemment mentionnée dans les cercles alternatifs de la santé, mais dont la légitimité est souvent remise en question par la communauté médicale scientifique.
En utilisant une approche de revue systématique, les chercheurs ont évalué la validité des mesures de cortisol—un indicateur clé souvent utilisé pour soutenir l'existence de cette condition—chez les individus rapportant de la fatigue ou de l'épuisement. L'analyse rigoureuse de 58 études pertinentes a permis de constater une grande hétérogénéité dans les résultats, ainsi qu'une absence de corrélation constante et fiable entre les niveaux de cortisol et les symptômes de fatigue. En gros les surrénales fonctionnent normalement, c’est plutôt au niveau de ce qui se passe en avant, au sein du métabolisme du cortisol, qu’on devrait se pencher. Les interventions seront donc centrée sur la gestion du stress, l’optimisation du sommeil et promouvoir l’équilibre entre les formes de stress (physique ou psychologique) et la récupération.
Conclusion
Il est impératif de distinguer le stress aigu du stress chronique pour comprendre et gérer leurs effets sur l'organisme. Le stress aigu, caractérisé par une sécrétion temporaire de cortisol, joue un rôle vital en mobilisant rapidement l'énergie nécessaire pour répondre à des défis immédiats. Ce mécanisme adaptatif favorise la survie et soutient des fonctions cruciales telles que la régulation de la pression sanguine et la réponse immunitaire.
En revanche, le stress chronique entraîne une sécrétion prolongée de cortisol, ce qui peut perturber de nombreux processus physiologiques et contribuer à l'apparition de troubles métaboliques, immunitaires et psychologiques. Les effets néfastes d'une exposition chronique au cortisol incluent la résistance à l'insuline, l'augmentation du stockage de graisse viscérale, une susceptibilité accrue aux infections et des altérations de la fonction cognitive et émotionnelle.
Il est donc essentiel de ne pas se limiter à chercher des suppléments pour "corriger" les niveaux de cortisol, mais plutôt d'adopter une approche holistique pour gérer le stress chronique. Cela implique une meilleure compréhension des mécanismes sous-jacents du stress et la mise en œuvre de stratégies efficaces de gestion du stress telles que la régulation de l'exposition aux stresseurs, l'amélioration de la qualité du sommeil, et la promotion d'une alimentation équilibrée et d'une activité physique régulière.
En somme, le cortisol est une hormone essentielle qui mérite une attention particulière, non seulement dans la régulation de la réponse au stress, mais aussi dans son rôle plus large dans le maintien de l'homéostasie corporelle. Une approche équilibrée et informée est cruciale pour maintenir une santé optimale face aux défis stressants de la vie quotidienne.
A+
Julien