Nutrition
Le fructose est-il mauvais pour la santé?
Heureusement, il existe des études humaines sur le sujet.
par
Julien Martel
14 juin 2024
11
min
Le fructose, un sucre simple présent naturellement dans les fruits, les légumes et le miel, et ajouté à de nombreux aliments et boissons transformés, a été au centre du débat nutritionnel. Les inquiétudes quant à son rôle potentiel dans la promotion de maladies métaboliques telles que la stéatose hépatique métabolique (MAFLD) ou la stéatose hépatique non-alcoolique (NAFLD), la résistance à l'insuline et l'obésité ont conduit lui donner un mauvais rôle dans le discours public.
Est-ce que cette réputation est méritée? On est chanceux, il existe des études humaines qui se sont justement penchés sur la question.
Étude 1
Effect of fructose on markers of non-alcoholic fatty liver disease
(NAFLD): a systematic review and meta-analysis of controlled
- L'étude comprenait 13 études d'alimentation contrôlés portant sur un total de 260 participants en bonne santé.
- Il y a eu 7 essais isocaloriques dans lesquels le fructose a été échangé contre d'autres glucides sans augmenter l'apport calorique global.
- 6 essais hypercaloriques ont complété les régimes alimentaires avec des doses élevées de fructose, entraînant un apport énergétique excessif.
Effets sur les lipides intrahépatocellulaires (IHCL) :
- Essais isocaloriques : Aucun effet significatif du fructose sur l'IHCL (DMS = -0,09, IC 95 % : -0,36 à 0,18, P = 0,51).
- Essais hypercaloriques : le fructose a augmenté de manière significative l'IHCL (DMS = 0,45, IC à 95 % : 0,18 à 0,72, P = 0,001).
Effets sur l'alanine aminotransférase (ALT) :
- Essais isocaloriques : Aucun effet significatif du fructose sur l'ALT (DM = 0,15 U/L, IC 95 % : -1,51 à 1,82, P = 0,86).
- Essais hypercaloriques : le fructose a augmenté de manière significative l'ALT (DM = 4,94 U/L, IC à 95 % : 0,03 à 9,85, P = 0,05).
Analyses d’hétérogénéité et de sensibilité :
- Une hétérogénéité significative entre les études a été observée dans les essais hypercaloriques mais pas dans les essais isocaloriques.
- Les analyses de sensibilité ont indiqué que la suppression d'études spécifiques (Lê et al., Sobrecases et al., Johnston et al.) réduisait l'hétérogénéité et affectait parfois la signification des résultats.
Conclusion:
- Échange isocalorique : L'échange isocalorique du fructose contre d'autres glucides n'a pas induit de modifications des marqueurs de la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) chez les participants en bonne santé. Cela suggère que le fructose, lorsqu’il est consommé à des niveaux alimentaires typiques et sans augmenter l’apport calorique global, ne contribue pas à la NAFLD.
- Apport hypercalorique : En revanche, le fructose consommé à des doses élevées entraînant un apport calorique excessif augmente considérablement les niveaux d'IHCL et d'ALT. Cet effet est probablement davantage attribuable à l’excès d’énergie qu’au fructose lui-même.
L'étude suggère que les niveaux typiques d'apport en fructose ne présentent pas de risque de NAFLD chez les individus en bonne santé si l'apport calorique est maintenu. Cependant, un apport calorique excessif provenant du fructose peut entraîner une augmentation de la graisse hépatique et des enzymes hépatiques, soulignant l’importance de surveiller l’apport calorique global.
L'étude souligne l'importance de prendre en compte l'équilibre énergétique global dans les recommandations alimentaires et les risques potentiels associés à un apport calorique élevé provenant du fructose.
Étude 2
Metabolic effects of a prolonged, very-high-dose dietary fructose challenge in healthy subjects
- L'étude a porté sur 10 participants jeunes, en bonne santé et minces, qui ont consommé 150 grammes de fructose par jour pendant 8 semaines.
- Un groupe témoin de 11 patients non diabétiques atteints de NAFLD a été inclus pour la caractérisation métabolique de base.
Apport alimentaire et poids corporel :
- Malgré un régime riche en fructose, les participants n'ont pas augmenté leur apport énergétique quotidien total et ont en fait montré une légère diminution de leur poids corporel.
- La consommation d'autres sucres alimentaires a diminué de manière significative au cours de l'étude.
Paramètres métaboliques :
- Foie et muscles squelettiques : aucun changement significatif dans les dépôts lipidiques ectopiques ou le stockage postprandial de glycogène n'a été observé dans le foie et les muscles squelettiques.
- Sensibilité à l'insuline : le métabolisme du glucose stimulé par l'insuline et la suppression de la production endogène de glucose n'ont pas été significativement affectés par une consommation élevée de fructose.
- Métabolisme postprandial : les concentrations plasmatiques de glucose, d'insuline et de peptide C sont restées stables et les taux de triglycérides n'ont pas changé de manière significative après la consommation de fructose.
- Fonction myocardique : la fonction myocardique systolique, la teneur en lipides myocardiques et la masse myocardique n'ont pas été affectées par un apport élevé en fructose.
Analyse comparative avec des patients NAFLD :
- Les patients atteints de NAFLD ont présenté une augmentation du stockage des lipides hépatiques, une synthèse hépatique du glycogène émoussée et une masse myocardique plus élevée par rapport aux participants en bonne santé.
Conclusion:
- Impact global : 8 semaines de consommation à forte dose de fructose n'ont pas entraîné d'effets métaboliques indésirables significatifs chez de jeunes participants en bonne santé, dans des conditions de apport énergétique stable et une légère perte de poids. Cela suggère que les individus en bonne santé peuvent temporairement compenser un apport accru en fructose sans perturbations métaboliques majeures.
- Apport énergétique et stabilité du poids : L'étude souligne qu'un apport énergétique stable et une légère réduction de poids ont probablement contribué à l'absence de changements métaboliques significatifs. La consommation réduite d’autres sucres alimentaires et l’absorption potentiellement incomplète du fructose ont également joué un rôle.
- Métabolisme hépatique et musculaire : aucun changement significatif n'a été observé dans les dépôts lipidiques ectopiques ou le stockage de glycogène dans le foie et les muscles squelettiques, ce qui indique qu'une consommation prolongée de fructose n'entraîne pas nécessairement des dysfonctionnements métaboliques dans ces tissus chez les individus en bonne santé.
- Santé cardiaque : L'étude n'a trouvé aucune preuve de lipotoxicité ou de dysfonctionnement cardiaque induit par le fructose, suggérant en outre la résilience métabolique des sujets sains à un apport élevé en fructose.
Les résultats suggèrent qu'à court terme, les jeunes individus en bonne santé peuvent gérer un apport élevé en fructose sans effets indésirables significatifs, à condition que l'apport calorique global reste stable. Cependant, les résultats pourraient ne pas être généralisables aux personnes souffrant de troubles métaboliques ou à celles qui suivent un régime hypercalorique.
Étude 3
- La revue systématique comprenait 14 groupes de comparaison issus de 11 essais contrôlés randomisés, totalisant 277 participants.
- Les participants comprenaient des adultes et des enfants, avec ou sans diabète, et la durée des études variait de 2 à 10 semaines (moyenne : 28 jours).
- Les études ont porté sur le remplacement isoénergétique du glucose ou du saccharose par du fructose, à des doses allant de 24 à 150 grammes par jour (moyenne : 68 grammes/jour).
Effets sur la glycémie à jeun :
- La substitution par le fructose a entraîné une réduction légère mais significative de la glycémie à jeun (−0,14 mmol/L ; IC 95 % : −0,24 à −0,036 mmol/L).
- Des réductions plus importantes de la glycémie à jeun ont été observées chez les personnes présentant une intolérance au glucose (−0,61 mmol/L) et un diabète de type 2 (−0,80 mmol/L).
Effets sur l'hémoglobine glyquée (HbA1c) :
- La substitution par le fructose a légèrement abaissé les taux d'HbA1c chez les individus présentant une intolérance au glucose (−10 g/L ; IC 95 % : −12,90 à −7,10 g/L) et les individus normoglycémiques (−6 g/L ; IC 95 % : −8,47 à −8,47 à −3,53g/L).
Effets sur l'insuline sanguine à jeun :
- Il n'y a pas eu d'effet significatif sur les taux d'insuline sanguine à jeun après substitution par le fructose (DM = 0,14 mU/mL ; IC 95 % : −1,16 à 1,43 mU/mL).
Effets sur les triglycérides :
- Aucun changement significatif des triglycérides sanguins à jeun n'a été observé dans les études où le glucose était remplacé par le fructose (−0,01 mmol/L ; IC 95 % : −0,13 à 0,11 mmol/L).
- Une réduction faible mais significative des triglycérides a été constatée dans les études où le saccharose était remplacé par le fructose (−0,08 mmol/L ; IC 95 % : −0,14 à −0,02 mmol/L).
Effets sur le poids corporel :
- Une réduction légère mais significative du poids corporel a été observée avec la substitution du glucose par le fructose (−1,40 kg ; IC 95 % : −2,07 à −0,74 kg).
- Une réduction non significative du poids corporel a été constatée avec la substitution du saccharose par le fructose (−0,66 kg ; IC 95 % : −1,74 à 0,43 kg).
Autres marqueurs lipidiques :
- Aucun changement significatif n'a été observé dans les concentrations de cholestérol total à jeun, de cholestérol LDL, de cholestérol HDL, de cholestérol VLDL ou d'apolipoprotéine B100.
Conclusion:
- Effets métaboliques : La substitution chronique et isoénergétique du fructose au glucose ou au saccharose dans les aliments ou les boissons a peu d'effet sur la glycémie à jeun, l'insuline ou les triglycérides chez les individus en bonne santé et ceux présentant une intolérance au glucose ou un diabète de type 2. Il y a de légères réductions de la glycémie à jeun, de l'HbA1c et du poids corporel avec la substitution du fructose.
- Pertinence clinique : Bien qu'il y ait eu des réductions significatives de la glycémie à jeun et de l'HbA1c chez les personnes présentant une intolérance au glucose et un diabète de type 2, la pertinence clinique de ces réductions est discutable en raison de la faible ampleur du changement.
Les résultats suggèrent que la substitution du fructose au glucose ou au saccharose de manière isoénergétique n'entraîne pas de dommages métaboliques et peut apporter de légers avantages dans la régulation du glucose et la gestion du poids corporel.
Étude 4
- Cette revue systématique et méta-analyse incluait 21 études/bras d'étude, se concentrant sur la substitution isoénergétique du fructose au glucose ou au saccharose dans les aliments ou les boissons.
- Les participants comprenaient des adultes présentant une tolérance au glucose normale, une tolérance au glucose altérée et un diabète de type 2.
Glycémie à jeun (FBG) :
- La substitution du glucose par le fructose a entraîné une réduction statistiquement significative de la glycémie à jeun de 0,11 mmol/L (IC à 95 % : -0,18 à -0,05 ; p = 0,0005).
- La réduction de la glycémie à jeun était plus prononcée chez les individus présentant une intolérance au glucose (-0,61 mmol/L) et un diabète de type 2 (-0,80 mmol/L).
Hémoglobine glyquée (HbA1c) :
- Seules deux études ont rapporté des changements dans l'HbA1c, l'une montrant une réduction statistiquement significative et l'autre ne montrant aucun changement significatif.
Insuline sanguine à jeun (FBI) :
- La substitution par le fructose a entraîné une réduction significative des taux d'insuline sanguine à jeun de 1,29 µUI/mL (IC à 95 % : -2,22 à -0,36 ; p = 0,007).
- La réduction de l'insuline à jeun a été observée dans des études utilisant à la fois des doses plus faibles (30-40 g/jour) et plus élevées (>80 g/jour) de fructose.
Lipides sanguins à jeun :
- Aucun changement significatif n'a été observé dans le cholestérol total, le cholestérol LDL ou le cholestérol HDL.
- Les triglycérides à jeun ont été significativement réduits dans les études comparant le fructose au saccharose, bien que le changement ne soit pas cliniquement pertinent.
Poids:
- Aucun changement significatif du poids corporel n'a été observé dans l'ensemble. Cependant, des études utilisant des doses très élevées de fructose (> 80 g/jour) ont montré une réduction statistiquement significative mais non cliniquement pertinente du poids corporel de 1,20 kg (IC à 95 % : -2,11 à -0,29 ; p = 0,01).
Conclusion:
- Impact global : L'étude a confirmé que la substitution isoénergétique du fructose au glucose ou au saccharose dans les aliments ou les boissons a peu d'impact sur la glycémie à jeun, l'insuline ou les triglycérides à court terme. Les effets observés étaient statistiquement significatifs mais non cliniquement pertinents.
- Pertinence clinique : Les réductions de la glycémie à jeun et de l'insuline étaient plus prononcées chez les personnes présentant une intolérance au glucose et un diabète de type 2, suggérant un bénéfice potentiel dans ces populations. Cependant, la pertinence clinique de ces résultats reste discutable en raison de la faible ampleur du changement.
Cette méta-analyse mise à jour fournit d’autres preuves que la consommation chronique de fructose n'a pas d'effet négatif sur la santé métabolique par rapport au glucose ou au saccharose.
Sommaire
Bilan énergétique et apport calorique:
Le thème dominant de ces études est l’importance de apport calorique total. Le fructose, lorsqu'il est consommé dans le cadre d'un régime isocalorique, ne semble pas modifier de manière significative les marqueurs métaboliques clés tels que l'IHCL, l'ALT, la glycémie à jeun, l'insuline ou les triglycérides. Les effets négatifs observés dans des conditions hypercaloriques mettent l’accent sur le rôle de l’apport calorique excessif plutôt que sur le fructose lui-même. Cela correspond à la compréhension plus large selon laquelle la surconsommation de tout macronutriment peut entraîner des perturbations métaboliques.
Flexibilité métabolique chez les individus en bonne santé:
Les individus en bonne santé présentent un degré de flexibilité métabolique qui leur permet de s’adapter à un apport accru en fructose sans effets indésirables significatifs, à condition que l’apport énergétique global reste stable. Ceci est démontré par l’absence de changements significatifs dans le métabolisme hépatique et musculaire, la sensibilité à l’insuline et la fonction myocardique dans l’étude de provocation prolongée au fructose à haute dose.
Implications pour les populations à risque:
Même si de légères réductions de la glycémie à jeun et de l'HbA1c chez les personnes souffrant d'intolérance au glucose et de diabète de type 2 suggèrent des bénéfices potentiels, la signification clinique de ces résultats est limitée par leur ampleur modeste. Cela indique que la substitution du fructose pourrait constituer une stratégie alimentaire viable pour ces populations sans exacerber les conditions métaboliques, mais les avantages ne sont pas suffisamment substantiels pour justifier un changement majeur de régime alimentaire.
Recommandations diététiques et perception du public:
La diabolisation du fructose dans le discours public n’est pas justifiée sur la base des preuves scientifiques actuelles. Fructose, une fois consommé, jen quantités contrôlées dans le cadre d'un régime isocalorique, ne présente aucun risque métabolique. Cela met en évidence la nécessité de directives alimentaires équilibrées qui prennent en compte l’équilibre énergétique global et les habitudes alimentaires plutôt que de se concentrer d’abord sur des nutriments individuels.
Les preuves actuelles suggèrent que le fructose n’est pas intrinsèquement nocif lorsqu’il est consommé en quantités modérées dans le cadre d’un régime isocalorique. Les perturbations métaboliques associées au fructose sont plus probablement une conséquence d’un apport calorique excessif plutôt que du sucre lui-même. Arrêtons de s’enfarger dans les fleurs du tapis et commençons par la base: être isocalorique et cuisiner nous-même.
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Julien